Le leadership s’exerce-t-il différemment dans un contexte d’affaires coopératif? La question est pertinente puisque les coopératives ont une façon différente de faire des affaires. Entre autres, parce que l’objectif premier n’est pas le profit, mais la satisfaction des besoins des membres.
Je rappelle toujours que le profit n’est pas l’objectif premier, mais que la satisfaction des besoins des membres ne sera pas atteinte à long terme si les profits ne sont pas au rendez-vous.
Malgré cette pertinence, il faut admettre que les qualités de base d’un leader doivent être les mêmes, quel que soit le contexte d’affaires. Lorsque je donne une formation sur le leadership en gestion de projet, cette formation est pertinente pour tous les domaines d’affaires. Cependant, lorsque je m’adresse à des gestionnaires de coopératives, j’attire leur attention sur certains points et c’est de ces facteurs que je veux traiter ici.
Je rappelle que c’est mon quatrième blogue qui traite de la gestion de projet dans les coopératives. Dans les premiers, j’avais fait ressortir les points suivants :
- La clarification des objectifs
- La communication avec les parties prenantes
- Planification des risques
- L’intégration des réseaux (particulièrement les fédérations) dans le développement d’un projet
- La similitude avec les projets dans le secteur public
La cohérence avec les valeurs et les principes coopératifs
Comme le titre le mentionne, ce blogue met l’accent sur le leadership. Un critère important de succès pour un projet est son intégration dans le plan d’affaires global de l’entreprise. Par conséquent, le chef de projet doit souvent rappeler à ses équipiers comment le projet s’intègre dans l’ensemble de l’organisation. Il doit aussi s’assurer que la direction de l’entreprise passe ce même message. Le chef de projet doit être « en communion » avec la culture de l’entreprise s’il veut assumer un réel leadership.
Dans un contexte coopératif, il doit être sensible aux valeurs de l’entreprise et ces dernières sont connues et universelles pour toutes les coopératives. Il doit donc s’assurer que le projet respecte les valeurs et les principes décrétés par l’Alliance coopérative internationale. C’est la congruence entre les pratiques d’affaires de la coopérative et les valeurs et principes coopératifs qui, à long terme, assureront le développement de la coopérative.
Cette tâche peut sembler théorique et difficile. Cependant elle est pratique et accessible. En effet, il existe maintenant des outils pour évaluer la concordance entre les pratiques d’affaires et les principes coopératifs. En pratique, si le chef de projet a été bien choisi par la direction, il mettra en pratique les valeurs suivantes qui sont celles du mouvement coopératif :
- La prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles;
- La démocratie;
- L’égalité;
- L’équité;
- La solidarité;
- Une éthique basée sur :
- l’honnêteté;
- la transparence;
- la responsabilité sociale;
- l’altruisme.
Il lui restera à comprendre les principes coopératifs et à s’assurer que son projet n’empêche pas la coopérative de s’y conformer.
Le nombre de parties prenantes
La communication avec les parties prenantes est un enjeu de tous les projets. La particularité coopérative est que les parties prenantes sont très nombreuses et que souvent elles s’entrecroisent. Par exemple, les clients (membres) sont généralement aussi les propriétaires. De plus, le grand public est, dans les grandes coopératives, une partie prenante incontournable. Le leader devra donc posséder des habiletés de communication dans un environnement complexe.
Les coopératives œuvrent dans plusieurs réseaux (fédération, coopérative de développement régional, Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, en plus des réseaux du secteur d’activité). Encore ici, notre chef de projet devra se démarquer par ses compétences à communiquer avec tous ces réseaux qui pourront influencer le développement projet. Dans ce contexte, la reddition de compte est un enjeu de taille.
On s’attend donc que notre leader soit un bon communicateur, ce qui inclut un bon négociateur. Il aura besoin d’influencer beaucoup de parties prenantes. Il devra savoir s’y prendre avec habileté pour que toutes ces transactions ne fassent pas traîner le projet en longueur.
La gestion du temps
Ce qui nous amène à un autre défi particulier : la gestion du temps dans un contexte ou plusieurs parties prenantes sont impliquées dans les décisions. Comme mentionnée plus haut, une décision pour l’avancement du projet peut nécessiter l’aval de son directeur de service, du directeur général, du conseil d’administration et de la fédération. Dans ce contexte, il faut souvent s’armer de patience et bien connaître son environnement d’affaires.
Certaines coopératives peuvent être immobilisées par cette démocratie. Par contre, d’autres réussissent à ce que les décisions se prennent aux bons échelons. Par exemple, les décisions d’orientation se prennent à conseil d’administration alors que les décisions opérationnelles se prennent dans les directions spécifiques. Or l’habileté du leader à amener l’organisation à prendre les décisions aux bons endroits pourra jouer sur la fluidité du projet.
Généralement, lorsque les instances décisionnelles ont donné les orientations, ils laisseront les gestionnaires prendre des décisions opérationnelles, à condition d’être bien informé. Encore une fois, l’habileté de communication sera primordiale pour informer ceux qui doivent l’être, consulter ceux qui peuvent influencer et demander l’accord de ceux qui ont à donner leur aval.
Un avantage concurrentiel pour le chef de projet
Le chef de projet a souvent beaucoup de responsabilités, mais peu d’autorité sur ses équipiers. Les récompenses sont un élément de motivation important. Le chef de projet doit souvent faire preuve d’imagination pour offrir des récompenses lorsqu’il a peu de contrôle sur le budget de l’organisation. Heureusement, une récompense efficace et à la portée de la main des gestionnaires de projet est la reconnaissance. Les équipiers réagissent très positivement lorsque leurs efforts sont reconnus publiquement.
Or dans les coopératives, il y a beaucoup de parties prenantes. Il y a donc beaucoup de témoins potentiels lorsque vient le temps de reconnaître un bon coup. Le leader coopératif pourra tirer profit de cet atout pour stimuler ses équipiers en leur donnant beaucoup de visibilité.
Nous pouvons constater que le chef de projet dans une coopérative œuvre dans un contexte un peu particulier qui lui donne des défis et des opportunités. Si vous êtes gestionnaire de projet dans une coopérative :
- sentez-vous cette différence?
- Voyez-vous d’autres différences que celles que je présente ici?
Merci de vos commentaires,
Gérard Perron, PMP