Le modèle québécois de développement coopératif et son avenir

Sur la scène internationale, il y a trois modèles de développement coopératif qui se démarquent : L’Espagne avec Mondragon, L’Italie avec Trentino et Emilia Romagna ainsi que le Québec avec les coopératives de développement régional. Je suis régulièrement invité à parler du développement coopératif québécois et je me retrouve la plupart du temps sur la tribune avec deux des expériences coopératives mentionnées plus haut.

  • Mondragon est une ville espagnole qui compte 22 000 habitants. Les coopératives du groupe Mondragon, dont le début remonte à 1956, comportent quatre divisions : Finances, Industrie, Distribution et Connaissance. Il est le premier groupe d’entreprises du Pays Basque et le septième d’Espagne. Le groupe est présent internationalement, il générait en 2011 un chiffre d’affaires de 17.2 $ milliards et employait 83 500 personnes. Il est composé de 256 entreprises et entités dont environ la moitié sont des coopératives[i].
  • L’influence des coopératives de la région de Trentino, au nord de l’Italie, date du milieu 19e siècle. En 1895, il y avait déjà 50 coopératives : 28 épiceries, 13 banques, 6 coopératives agricoles et trois vignobles, toutes réunies sous la même fédération. Aujourd’hui, 90 % de la production agricole de la région est coopérative. Les 539 coopératives emploient 18,000 personnes. Il y a 270 000 membres de coopératives pour une population de 500 000 personnes. La fédération regroupe toujours ces coopératives qui ont un actif de 2 € milliards[ii].

Le Québec fait aussi figure honorable. Le plus important employeur privé est le Mouvement Desjardins et le cinquième est le réseau des coopératives agricoles regroupé avec La Coop fédérée[iii]. Le réseau agricole transforme et met en marché 85 % du poulet; 64 % du lait; 54 % du fromage, du yogourt et du beurre et 47 % du porc et des charcuteries[iv]. Les coopératives étudiantes sont présentes dans toutes les universités francophones et dans 75 % des collèges.

Croissance de l’emploi dans l’économie québécoise[v]

  Secteur coopératif Tous les secteurs

1995 à 2009

+85 %

+23 %

Croissance annuelle moyenne

(1996 à 2005)

+7,9 %

+2,1 %

 

Importance du secteur coopératif au Québec[vi]

 

Toutes les coopératives

Coopératives non financières

Nombre de coopératives

3 300

2 840

Actif en $ canadien

 

 

Nombre d’emplois

173 $ milliards

5,7 $ milliards

Nombre de membres

8,8 millions (population totale = 7,8 millions)

 

Le bilan coopératif est impressionnant et c’est pourquoi le Québec est reconnu comme l’une des régions ou le développement coopératif est le plus dynamique. Quelques raisons expliquent ce succès :

  • Il y a des regroupements sectoriels (fédérations) qui appuient les coopératives. Une étude du gouvernement québécois a démontré que les coopératives appartenant à un réseau fort ont un taux de survie et des performances supérieures à la moyenne des autres coopératives[vii]. Les regroupements régionaux (coopératives de développement régional) permettent aussi de regrouper les coopératives qui n’appartiennent à aucune fédération sectorielle.
  • Il y a une étroite collaboration entre le gouvernement et le mouvement coopératif, et ce depuis de nombreuses années. Les coopératives profitent d’un cadre légal efficace et d’un système fiscal qui se compare à celui des entreprises privées. Le gouvernement fournit aussi des statistiques permettant de se comparer. Cette collaboration mène aussi à un partenariat dans le financement du développement de nouvelles coopératives.
  • Les coopératives ont accès à du capital de développement (gouvernement, banques et fonds spécialisés) et à de l’assistance professionnelle pour leur développement par les fédérations sectorielles et les coopératives de développement régional.

Selon moi, la clé de ce succès est que le développement coopératif est contrôlé par le mouvement coopératif à travers le réseau des coopératives de développement régional. Les résultats de ce réseau sont impressionnants à travers les années[viii].

J’arrive de deux tournées de conférences en Corée du Sud (octobre 2012 et juillet 2013) qui m’ont permis de confirmer que le Québec est toujours une référence en matière de développement coopératif. D’ailleurs, les Coréens ont mis en place une coopérative de développement régional qui s’inspire de notre réseau dans la région de Jeonbuk.

Le succès passé en développement coopératif ne doit cependant pas aveugler les leaders de ce secteur. Le développement a ralenti ces dernières années et un bon coup de barre devra être donné pour relancer le dynamisme. Il faut espérer que les recommandations du comité d’experts qui se penche sur cette situation sauront rallier rapidement et fortement l’ensemble du mouvement coopératif. La solidarité fut à la base des succès ici et ailleurs. Elle devra être renforcée pour que le développement coopératif québécois reprenne son élan.

Partagez-vous mon opinion?

Gérard Perron, PMP

www.gerardperron.com

 

 


[i] Conférence d’Iñazio Irizar, Séoul, octobre 2013 et http://www.mondragon-corporation.com/FRA.aspx?language=fr-FR , mars 2013

[ii] Conférence de Sara Depedri, Séoul, octobre 2013.

[iv] Données de  2003

[v] Faits saillants sur les coopératives non financières au Québec, MDEIE, janvier 2012

[vi] http://www.coopquebec.coop/fr/statistiques.aspx et Faits saillants sur les coopératives non financières au Québec, MDEIE, janvier 2012

 [vii] Les regroupements coopératifs sectoriels au Québec, Ministère du Développement économique, Innovation et Exportation, 2005, page 11.

QUELLE CATÉGORIE DE COOPÉRATIVES EST LA PLUS POPULAIRE AU QUÉBEC?

Le Québec est reconnu pour son dynamisme en développement de coopératives. Savez-vous quelle catégorie de coopératives se développe le plus? En 2011, près de six nouvelles coopératives sur dix étaient des coopératives de solidarité[i]. Et ce n’est probablement pas un hasard, les coopératives de solidarité répondent la plupart du temps à des besoins de services de proximité. C’est une réponse des citoyens pour se prendre en main et se donner des services qu’ils trouvent importants pour la communauté. Par exemple :

« La Coopérative de santé de la MRC Robert-Cliche a pour mission de développer un réseau de services de proximité en soins de santé. Elle souhaite offrir aux membres une offre globale de services comprenant la médecine familiale, mais aussi des soins complémentaires et alternatifs. De plus, la coopérative souhaite intégrer la promotion et prévention de la santé dans ses activités[ii]. »

Une coopérative de solidarité est une coopérative qui regroupe les usagers d’un service, les travailleurs qui offrent le service et des partenaires de la communauté. Dans l’exemple plus haut, le conseil d’administration de cette coopérative est composé de membres qui représentent des secteurs géographiques de la MRC, d’un médecin, d’un membre du personnel et d’un membre du Mouvement Desjardins (qui a appuyé l’initiative). Des représentants du secteur de la santé siègent comme observateurs.

Ce que je trouve encourageant dans cette formule coopérative c’est l’esprit de prise en charge. La communauté se mobilise pour solidairement se donner un service au lieu d’attendre après le messie. Dans une société où la démocratie est malmenée (scandales électoraux, manque d’écoute des gouvernements, faible participation aux élections…), c’est réconfortant de constater que les regroupements démocratiques ont encore leur place.

Il faut aussi noter que la formule coopérative a su s’adapter pour permettre ce genre de regroupement où plusieurs partenaires siègent à la même table. En effet, on aurait pu penser que les intérêts des usagers de la clinique, des médecins et des employés étaient différents. S’ils ont des différences, ils ont aussi des convergences. La coopérative tire profit de ces convergences pour se développer.

Il faut féliciter et encourager les gens qui ont cet esprit collectif.

Connaissez-vous d’autres expériences que j’aurais pu mettre en évidence?

Gérard Perron, PMP

www.gerardperron.com

 


[i] Gouvernement du Québec, MDEIE, Direction des coopératives, Évolution des constitutions de coopératives non financières, 2002 à 2011, http://www.mdeie.gouv.qc.ca, janvier 2012

ENTREPRENEURSHIP: COOPÉRER POUR RÉUSSIR

Dans la première semaine de décembre, j’ai vu à la télévision une émission qui vantait le système scolaire finlandais. On soulignait, entre autres, le prestige de la profession d’enseignant et l’on précisait l’engorgement des futurs étudiants à la porte des facultés d’enseignement. Le dévouement des professeurs et la qualité de l’enseignement étaient mis à l’honneur.
Cette émission a été diffusée alors que je venais de lire un article dans le journal les Affaires du 19 novembre qui lui vantait le succès d’une école d’entrepreneurship finlandaise, laquelle a d’ailleurs essaimé dans plusieurs villes européennes. Cette école d’entrepreneurship suscite de l’intérêt partout dans le monde. L’an dernier, 1 000 personnes y ont fait un séjour d’apprentissage de deux à trois jours.
Le taux de succès est impressionnant, on peut lire sur le site Internet que 42 % des diplômés de l’école fondent leur entreprise après 3 ans. Ce qui a attiré mon attention c’est la pédagogie de l’école. « La culture de Team Academy se fonde sur le dialogue actif et sur la force des équipes. Très tôt, on y apprend qu’un entrepreneur ne devrait jamais être seul, car il y a plus de force dans la coopération que dans l’individualisme. »
Ici c’est l’équipe qui est au centre de l’apprentissage et non le professeur. L’« équipe-entreprise » est considérée comme le principal entraîneur. Chaque équipe est constituée d’une vingtaine de personnes. Il n’y a pas de classe, mais des fauteuils en cercle. Les enseignants sont des accompagnateurs. On ne fait pas de simulation; pendant trois ans, on y gère une vraie entreprise. Et l’on sort de ce parcours avec un diplôme universitaire reconnu. L’école a été fondée en 1993.
Voici les principes de Team Academy :
• Prendre des initiatives
• Apprendre à gérer le chaos
• Se permettre des erreurs pour apprendre
• Se concentrer sur les solutions; ne pas s’inquiéter des problèmes
• Faire de son mieux et se fixer des objectifs élevés
Le journal Les Affaires précisait qu’une expérience québécoise qui s’inspire de Team Academy vient de débuter à Montréal chez Percolab, une entreprise qui accompagne les organisations dans leurs projets de changements. L’expérience finlandaise est aussi va dans le même sens que le programme « Ensemble vers la réussite » dont le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité se fait le promoteur. Cette démarche québécoise s’adresse principalement aux enseignants de niveau scolaire primaire ou aux enseignants du premier cycle du secondaire qui travaillent avec un groupe fixe.
Naturellement, ceux qui me connaissent comprendront que je trouve cette initiative finlandaise fort intéressante parce qu’elle valorise le travail d’équipe et la coopération. Comme eux, je crois qu’un entrepreneur ne devrait jamais être seul. C’est pourquoi j’ai travaillé longtemps dans les réseaux coopératifs québécois et que je fais régulièrement la promotion sur mon blogue du développement de réseaux personnels et professionnels forts.
J’espère que ces initiatives collaboratives se développeront davantage dans un proche avenir.
Êtes-vous d’accord avec ces approches d’équipe?
Gérard Perron, PMP
http://www.gerardperron.com

Références:

http://www.tiimiakatemia.fi/en/what-is-team-academy/, 6 décembre 2011.
Journal Les Affaires, 19 novembre 2011, page 50.
http://www.coopquebec.coop/site.asp?page=element&nIDElement=2501, le 6 décembre 2011.